Une semaine pour promouvoir le vin suisse à Londres

Il faut jouer des coudes pour approcher des tables, ou comme les locaux, prendre son mal en patience le temps que les vignerons et leurs bouteilles soient accessibles. «Je n’ai pas une seconde depuis l’ouverture, cela n’arrête pas!» lance Robert Taramarcaz, responsable du Domaine des Muses, à Sierre, une bouteille de sa délicieuse syrah réserve à la main.

C’est en effet la foule des grands jours pour cette dégustation organisée par Swiss Wine Promotion dans le sanctuaire du vin à Londres, le club privé 67 Pall Mall. Situé à quelques encablures du palais de Buckingham, il accueille tout au long de l’année les plus grands producteurs du monde pour des dégustations entre professionnels, tandis que les adhérents du club partagent, aux étages supérieurs, les bouteilles de sa prestigieuse carte.

Dégustations dans toute la ville

Cette semaine, les vins suisses jouaient les vedettes dans la capitale britannique. Quatorze producteurs et de nombreux importateurs de multiples caves et domaines ont fait goûter leurs vins tout au long de la semaine. Pour commencer, aux rencontres organisées par le magazine britannique «Decanter», suivies d’une dégustation à la résidence de l’ambassadeur de Suisse, puis une journée complète au 67 Pall Mall pour les professionnels, puis pour les adhérents du club. Avant plusieurs dégustations organisées jusqu’à vendredi aux quatre coins de la ville.

Cet accent sur le Royaume-Uni est logique: en plus d’être le plus gros marché mondial du vin, c’est historiquement le premier marché d’exportation du vin suisse. En 2023, la Suisse a exporté un million de litres de vin dans le monde, soit 1% de la production nationale. Si 13% des exportations en volumes sont parties vers le Royaume-Uni, elles représentaient 39% des exportations en valeurs, pour 42 millions de dollars (40 millions de francs), selon Comtrade, le site de statistique des Nations Unies.

Un signe que les Britanniques importent surtout le haut de gamme helvétique. «Les vins suisses ont ici l’image d’être exclusifs et le fait qu’il y ait beaucoup de monde présent aujourd’hui confirme que le Royaume-Uni est un marché à haut potentiel pour nous», estime Jasmin Schmid, l’une des responsables de Swiss Wine Promotion, l’organe national de promotion des vins suisses, chargé par l’Interprofession de la vigne et du vin suisse de renforcer l’image du vin suisse.

Le Brexit a terni l’image du Royaume-Uni. De nombreux producteurs européens ont commencé à regarder ailleurs pour éviter les tracas administratifs engendrés par sa sortie de l’Union douanière européenne. «Nous avons toujours deux importateurs ici, car j’avais effectué un gros travail d’exploration en me déplaçant cinq à six fois à Londres, mais entre le Brexit et le Covid, je n’étais pas revenu depuis six ans», explique Robert Taramarcaz, qui exporte 5% à 10% de sa production vers le Royaume-Uni. «C’est resté un marché de connaisseurs, ils ont des moyens financiers et comme ils ne produisent quasi pas de vin, ils importent presque tout ce qu’ils consomment. Et lorsqu’ils apprécient, ils n’hésitent pas!»

Bon pouvoir d’achat

La conjoncture internationale a modifié la donne. La lutte contre la corruption engagée par le président Xi Jinping a entraîné un effondrement des importations chinoises de vin. Les taxes douanières annoncées pour le début de l’année 2025 par le président élu américain, Donald Trump, risquent aussi de freiner considérablement les exportations vers les États-Unis. Dans ces conditions, le Royaume-Uni est presque devenu un marché refuge. Où les producteurs qui ne disposent pas encore d’importateur entendent profiter de l’élan donné par Swiss Wine pour trouver de nouveaux débouchés.

«Les Britanniques amateurs de vin ont un bon pouvoir d’achat. Il existe de nombreux restaurants gastronomiques, et je suis là pour leur montrer que la Suisse ne produit pas que du chocolat et des montres, mais aussi des vins de qualité, s’enthousiasme Alex Stauffer, le viticulteur du Vin de l’A, à Ollon. Et lorsqu’ils goûtent de la petite arvine ou du cornalin, ils s’extasient.» Ce qui n’est pas étonnant, au regard de la qualité de ses vins. Sa production demeure petite, à peine 20’000 bouteilles par an, mais il aimerait pouvoir en exporter 10% pour «participer à cet essor national».

Du côté de la maison Hammel – Terres de Vins, basée à Rolle, et aussi à la recherche d’un importateur pour ses multiples domaines, son président, Charles Rolaz, vise également plus loin. «Les critiques et les marchands de vin britanniques sont des faiseurs d’opinion, assure-t-il. Réussir à Londres, c’est avoir la possibilité d’accéder à d’autres marchés, grâce à leurs plateformes, en Asie notamment.» Une diversification peut-être nécessaire à moyen terme alors que la consommation de vin par habitant se réduit chaque année en Europe.

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