Dans tout roman suisse qui se respecte, on trouve immanquablement une télécabine, des banques, un fort sentiment de culpabilité, une dépression familiale et la Migros, une chaîne de supermarchés où longtemps on n’a pas vendu d’alcool. Aucun de ces passages obligés ne manque au nouveau livre de Christian Kracht, Eurotrash, voyage initiatique effectué par un jeune homme en colère contre son pays et sa famille, avec une mère alcoolique, tous deux issus de la Goldküste, la Côte d’or zurichoise, où se concentre la richesse helvétique. Mais, si demeure présente la fureur qui sous-tendait le premier écrit à succès de l’écrivain, Faserland (1995 ; Phébus, 2019), réquisitoire contre l’Allemagne à peine réunifiée, « grande machine » édifiée sur un déni du crime collectif, elle apparaît désormais sur un mode aussi parodique qu’acerbe. Kracht, avec qui « Le Monde des livres » a conversé, qualifie lui-même son style de « slapstick », un genre d’humour filmique teinté de violence. Si son écriture trahit également l’influence d’auteurs qui ont émergé, comme lui, dans les années 1980 et 1990 en prenant pour cible la jeunesse dorée de la Californie ou des places financières de la Confédération − on pense à Moins que zéro, de Bret Easton Ellis (Christian Bourgois, 1986) −, lui préfère se référer à la littérature de la Beat generation, celle des Kerouac, Ginsberg ou Burroughs.
Désormais l’un des écrivains germanophones les plus lus, lauréat de nombreux prix en Allemagne comme en Suisse, Christian Kracht s’est attiré par sa voix un tantinet méchante de nombreux scandales. Faserland n’a pas seulement été le manifeste d’une génération, la « génération Golf » (du nom de la voiture), celle des années 1990 où l’idéalisme politique était censé avoir été remplacé par le culte de la réussite et de l’argent. L’ouvrage a attiré sur lui les foudres presque unanimes de la critique, qui a fustigé un style parlé, annonçant la « fin de la littérature » (il est aujourd’hui au programme des lycées, s’amuse l’écrivain).
L’un de ses meilleurs romans, Imperium (2012 ; Phébus, 2017), récit historique se déroulant à la Belle Epoque, dont le protagoniste, August Engelhardt (1875-1919), ne se nourrit que de noix de coco et veut fonder une colonie idéale dans les possessions allemandes du Pacifique, avant de sombrer dans un antisémitisme maladif, lui valut cinq pages de démolition dans l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, placées à la suite d’un dossier consacré à la nouvelle droite, sous une couverture bourrée de néonazis et de skinheads. Un souvenir cuisant. « Pendant des années, j’ai cherché la raison de cette exécution en règle. J’ai trouvé une réponse partielle dans le fait qu’Imperium est écrit au style indirect libre. Il y a un narrateur qui n’est pas un type sympathique, mais qui est aussi un personnage. D’où la conclusion, à travers ses propos, que j’étais un nazi ou un antisémite, un raciste, ce que je ne suis absolument pas. » Dans Eurotrash, le narrateur s’appelle Christian Kracht, en guise de clin d’œil.
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