Les résultats les plus surprenants sont ailleurs. Ils concernent d’abord le degré de satisfaction des prestations de l’assurance maladie obligatoire. Alors que le système suisse est toujours considéré comme cher, mais très performant et accessible à toutes et tous, les personnes interrogées ne confirment pas cette assertion. Seuls 39% sont satisfaits, tandis que 28% ne le sont pas. Il reste un ventre mou de 33% des sondés – surtout des jeunes de 18 à 34 ans bien portants qui consultent probablement moins – qui se déclarent «neutres» sur cette question. «L’insatisfaction porte plus sur le rapport qualité-prix que sur les prestations reçues», déclare Laurent Depouilly, directeur général d’Ipsos Suisse. «Elle est plus marquée en Suisse romande. Comme les primes y sont plus élevées qu’en Suisse alémanique, les attentes le sont aussi», précise Céline Perroud, responsable de l’enquête chez Ipsos.
Des sondés lucides
Interrogés sur les raisons de la hausse des primes, les sondés ne font pas la même analyse que les spécialistes, qui voient dans le vieillissement de la population la raison principale de l’augmentation des coûts. En fait, ils font une analyse très lucide des dysfonctionnements du système. Après les médicaments trop chers à leurs yeux (66%), ils citent la surconsommation médicale (55%), les surfacturations par les médecins et les hôpitaux (47%), le vieillissement de la population (41%), le manque de transparence des caisses maladie (38%) et le manque de coordination des soins (26%).
A la suite de l’annonce des nouvelles primes, les propositions de réforme du système ont fusé de la part de tous les acteurs de la santé. Et c’est ici que certaines lignes bougent. Deux propositions de la gauche sont bien accueillies. C’est d’abord la prime en fonction du revenu, qui remplacerait la prime par tête, unique en Europe. Elle est plébiscitée par 58% des sondés, tandis que seuls 26% la rejettent. Et là, surprise! Ce financement obtient une bonne adhésion des deux côtés de la Sarine, même si l’approbation en Suisse alémanique (54%) est inférieure de 14 points de pourcentage par rapport à la Suisse romande.
C’est nouveau et c’est aussi le cas sur la question d’une caisse unique, qu’elle soit nationale ou cantonale. C’est oui aussi, cette fois à 61% contre 21% seulement. Là non plus, pas de barrière de rösti, l’écart entre partisans et opposants étant énorme des deux côtés de la frontière linguistique. Le PS, dont le congrès vient d’adopter à l’unanimité une résolution pour élaborer une nouvelle initiative populaire, touche là un thème sur lequel les Suisses ont évolué. Rappelons qu’en votation populaire, le peuple a rejeté deux fois la caisse unique par le passé.
Evolution des mentalités outre-Sarine
«Ce qui me frappe, c’est l’évolution des mentalités», commente Pierre-Yves Maillard, membre de la Commission de santé (CSSS) du Conseil national. «Les deux propositions que nous faisons au PS depuis une quinzaine d’années sont désormais vues d’un bon œil.» Le président de l’Union syndicale suisse n’est pas surpris. Pour les assurés, «le niveau d’eau monte», menaçant de submerger une partie d’entre eux. «La hausse des primes pèse désormais aussi sur les ménages alémaniques et le sondage montre que les différences entre Alémaniques et Romands s’effacent», relève-t-il encore.
A la faîtière des caisses Curafutura, on accueille ces propositions avec un grand scepticisme. «Il ne serait pas judicieux de renoncer à la prime par assuré, car celle-ci est un élément important du système actuel, qui associe solidarité et responsabilité individuelle, note son porte-parole Adrien Kay. La prime transmet la vérité des coûts et donne un signal clair lorsque les coûts augmentent trop fortement. Elle crée ainsi une forte incitation à agir politiquement.»
Autre proposition, venue cette fois des milieux de droite: le PLR a proposé une «assurance budget» qui permettrait de réduire la prime de 20 à 25% en échange d’une réduction des prestations. Pour le ministre de la Santé Alain Berset, c’est une ligne rouge qu’il n’a jamais voulu franchir. Mais deux assureurs, Groupe Mutuel et Sanitas, estiment aussi qu’il faudra briser ce tabou. Pourtant, cette idée ne passe pas auprès de la population: 43% des gens s’y opposent, contre 38% qui l’approuvent. Ici en revanche, le fossé linguistique est profond, car 43% d’Alémaniques entrent en matière sur une réduction des prestations, contre 26% de Romands seulement.
A ce propos, Curafutura rappelle que le catalogue de prestations est déjà très étendu et qu’il n’a cessé d’être élargi, petit à petit, depuis l’entrée en vigueur de la loi sur l’assurance maladie (LAMal) en 1996. Or, chaque nouvelle prestation entraîne une augmentation des coûts. Dernier exemple en date: lors de sa dernière session, le Conseil des Etats s’est prononcé pour la prise en charge des frais d’interprétariat dans les cabinets médicaux et les hôpitaux par la LAMal.
Forte méfiance envers les partis politiques
Une chose est sûre: les sondés tiendront compte de la problématique de la santé en participant aux votations fédérales du 22 octobre prochain. Ils sont une forte majorité de 70% à l’affirmer. Mais pour quel parti? Difficile de le dire à ce stade. A cette question, les gens témoignent d’une profonde méfiance envers les autorités politiques, que ce soit le Conseil fédéral ou le parlement: 35% d’entre eux ne font confiance à «aucun parti» pour freiner la hausse des primes maladie. Puis viennent, largement derrière, l’UDC (22%), le PS (17%), le PLR (7%) et Le Centre (6%).
Le conseiller national Michel Matter (Vert’libéraux/GE) prend note de ces derniers chiffres avec satisfaction. «Cela montre que les sondés ont compris que la réforme du système de santé ne viendra pas d’une approche partisane, ce que je dis depuis longtemps», remarque le président des médecins genevois. Comme Pierre-Yves Maillard, il se réjouit de voir le Röstigraben se combler en matière de politique de santé. «Il se produit cet automne ce que je voyais venir depuis plusieurs années: les primes maladie sont désormais une vraie préoccupation nationale, et non plus uniquement romande.»
Enfin, pour la faîtière des assurances maladie Santésuisse, «les réponses à ce sondage illustrent avant tout l’exaspération compréhensible de la population face à la très forte hausse des primes de cette année et l’inaction du monde politique pour apporter des solutions viables aux augmentations incessantes des coûts de la santé», souligne son porte-parole Christophe Kaempf.
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Sondage réalisé par internet auprès d’un échantillon de 800 répondants, représentatif de la population suisse de plus de 18 ans et ayant le droit de vote aux élections fédérales, entre le 27 et le 29 septembre 2023. Quotas par âge, région et sexe, et pondération par âge, région, sexe et niveau de formation.
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