Swiss League: Sierre et Viège rêvent mais ont un problème

Le derby entre le HC Viège et le HC Sierre en Swiss League.

Le derby entre le HC Viège et le HC Sierre en Swiss League. image: instagram

Querelles de clochers, perte d’âme, mirages mégalos: le HC Viège et le HC Sierre vivent une période de turbulence, même si Sébastien Pico et Chris McSorley veulent nous faire croire le contraire.

25.11.2023, 07:0225.11.2023, 09:59

Klaus Zaugg

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La piste est trop haute. Trop près de la reine des montagnes. Jamais auparavant on avait tenté d’organiser une course de ski sur un terrain alpin aussi exposé, près du Cervin. Mais les dieux de la montagne ont sévi: aucune épreuve n’a pu avoir lieu à Zermatt en deux ans. Un échec qui a fait énormément parler ces derniers jours.

On aurait presque oublié qu’il existe des projets encore plus fous dans la vallée. Des saltimbanques et vendeurs de rêves y planifient une révolution du hockey sur glace. Les deux hommes en question? Le Canadien Chris McSorley à Sierre et le Valaisan Sébastien Pico à Viège.

Châteaux de cartes et lancers de crayons

Le hockey sur glace a une longue et glorieuse tradition dans la vallée du Rhône. En 1962, le HC Viège est sacré champion national. En 1973, le HC Sierre parvient à décrocher le titre de vice-champion derrière La Chaux-de-Fonds et fera les gros titres du hockey mondial six ans plus tard. Durant l’été 1979, le club sierrois pique aux Canadiens de Montréal la superstar Jacques Lemaire, tout frais vainqueur de la Coupe Stanley et meilleur compteur de NHL.

Il y parvient grâce à une offre de 60’000 dollars nets par saison plus une voiture, une nounou pour les enfants et un appartement. Autrement dit: les conditions que proposent le HC Sierre à Lemaire sont meilleures que celles du club de hockey le plus célèbre de la planète.

Jacques Gerard Lemaire, Spielertrainer vom HC Sierre, aufgenommen im Februar 1981. (KEYSTONE/Str)

Jacques Lemaire comme joueur-entraîneur à Sierre, en 1981.Image: KEYSTONE

Mais même avec Jacques Lemaire comme entraîneur-joueur (1979-1981), Sierre n’a pas réussi à retrouver l’élite. Et depuis 1991, le Valais n’y est tout simplement plus représenté.

Dans le Vieux-Pays, les points culminants de la saison sont donc désormais les derbys en deuxième division et les exploits télévisés du prodige local Nico Hischier en NHL. Le natif de Naters (24 ans) est le premier et pour l’instant unique numéro 1 de la draft avec un passeport suisse. De quoi rendre très fier le HC Viège, dont le capitaine des New Jersey Devils est un pur produit. Anecdote cocasse: son salaire annuel (7,75 millions de dollars cette saison) dépasse désormais le budget de son club formateur.

New Jersey Devils center Nico Hischier (13) skates during warmups before an NHL hockey game against the San Jose Sharks on Monday, Jan. 16, 2023, in San Jose, Calif. (AP Photo/Josie Lepe)

Nico Hischier, star de NHL formée au HC Viège. Image: keystone

Mais en Valais, le hockey ne cartonne plus. Parce que les clubs y sont trop souvent des châteaux de cartes sans âme. Fini l’époque où, à Viège, l’entraîneur Bruno Aegerter était expulsé dans les tribunes, d’où il lançait, furax, des crayons de couleur sur les arbitres. Quand Viégeois et Sierrois s’affrontent aujourd’hui, c’est le derby en hockey le plus dénué d’émotions du monde. Parce que le HC Viège a perdu son ADN.

Le temple et le «saltimbanque»

Mardi soir, la Lonza Arena n’était même pas remplie aux deux tiers (officiellement 3 262 spectateurs pour 5 000 places). Et on peut légitimement penser que ce nombre de spectateurs est au moins aussi enjolivé que la réalité sportive du club haut-valaisan.

Viège a remporté ce derby valaisan 4-0, mais il n’y a eu aucune trace d’enthousiasme dans les gradins de la Lonza Arena. Ce temple du hockey est le plus fonctionnel du pays: spacieux, couloirs larges, gastronomie merveilleusement développée et loges dernier cri, sans parler du système de paiement 100% électronique. Et, comme c’est désormais la coutume dans notre pays, presque aucune place de parking à proximité de la patinoire.

Bref, l’enceinte est parfaitement adaptée à la National League. Ses prix aussi, d’ailleurs: ils sont aussi élevés qu’à Langnau, qui offre, lui, un spectacle haut de gamme en première division. Et la nourriture est encore meilleure dans l’Emmental.

En parlant de Langnau👇

Mais le directeur général du HC Viège, Sébastien Pico – en poste depuis 2005 –, est un vendeur de rêves. Ses détracteurs disent même qu’il est «un gentil saltimbanque». Ce quadragénaire est un manager intelligent et un homme de réseau. Il est un peu le Raëto Raffainer valaisan. Son fond de commerce (qui fonctionne bien)? Faire renaître la culture du hockey à Viège.

De tous les CEO de Swiss League , il est celui qui, avec Patrick Reber au HC Olten, peut dépenser le plus d’argent: officiellement près de six millions. Résultat? Même après la victoire de mardi dans le derby contre Sierre, le HC Viège n’occupe toujours pas un rang qualificatif pour les play-offs. Il est 9e et avant-dernier, avec six points de retard sur son rival cantonal.

Le classement de Swiss League

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image: txt

Des play-offs de Swiss League sans Viège, ce serait comme une Coupe du monde de football sans l’Allemagne, avec un échec des Allemands dans un groupe de qualifs comprenant Andorre, Saint-Marin, le Liechtenstein et les Îles Féroé, et avec Pep Guardiola comme sélectionneur.

Il n’y a pas le feu au Rhône

Jamais un manager de hockey n’a vendu des illusions aussi habilement que Sébastien Pico. Son club est avant-dernier du classement et pourtant il n’y a aucune inquiétude. L’entraîneur est soutenu publiquement, vanté, loué. On parle de patience, de bonne ambiance dans le vestiaire et d’une équipe qui est à 100% derrière son coach. Tout semble merveilleux dans le meilleur des mondes.

D’une part, parce que Sébastien Pico est passé maître dans l’art de vendre à ses sponsors et autres bailleurs l’illusion d’un grand HC Viège. De l’autre, parce que son entraîneur est tout simplement trop renommé pour être licencié. Si Viège renvoyait Heinz Ehlers, ce serait comme si Jürgen Klopp devait partir du FC Aarau.

Sébastien Pico (deuxième depuis la gauche) lors de l'inauguration de la Lonza Arena en septembre 2019.

Sébastien Pico (deuxième depuis la gauche) lors de l’inauguration de la Lonza Arena en septembre 2019. image: swiss league

Ce qui est surprenant, voire fou, c’est que la crise sportive que traverse le club valaisan est probablement la plus importante du hockey suisse. Bien plus dramatique que celle du HC Bienne, par exemple. Et pourtant, il n’y a pas d’ambiance de crise. A Viège, c’est comme si tout était détaché des résultats. Le hockey y est simplement un divertissement de soirée.

Le club fait produire des images pour sa chaîne TV et le service de streaming de la ligue, qui sont presque aussi bonnes que celles de la National League et de MySports. L’acoustique de la patinoire, le cube d’affichage au centre, le confort des sièges: tout est de première classe. La Lonza Arena, c’est la NHL en format de poche. Avec, en plus, des moments sympas autour d’une fondue dans les loges (sans oublier les merveilleuses assiettes valaisannes).

View of the arena and the spectators during the ice hockey tournament NaturEnergie Challenge game between Switzerland and Russia at the Lonza Arena ice rink in Visp, Switzerland, Friday, December 13, ...

La Lonza Arena de Viège. Image: KEYSTONE

Un jeune représentant des sponsors – ils apportent au club deux bons millions par saison – fait tout à coup part de son idée entre deux bouchées de viande séchée: pourquoi ne pas faire du hockey sans spectateurs? Le match serait retransmis sur le web ou à la TV et, dans la patinoire, il n’y aurait que des loges et bars VIP, servant avant tout de lieu de réseautage. Principal avantage: éviter beaucoup de frais, notamment ceux de la sécurité. Pourquoi pas? Qui sait: avec ces conditions, l’Opus Dei ou le Vatican finiraient peut-être par louer une loge.

Un pince-sans-rire et des cuillères tordues

Heinz Ehlers est un grand entraîneur. Certes, il n’a jamais été champion de Suisse, mais c’est un sorcier qui sait tirer le maximum d’une équipe. A Viège, il n’y est pas encore parvenu. Mais pas de quoi lui faire perdre son humour pince-sans-rire. «Ah, vous êtes venu parce que vous espériez que je serais viré en cas de nouvelle défaite», nous salue-t-il après cette victoire 4-0 contre Sierre.

Le technicien s’est trompé sur nos intentions. Parce que même après une défaite 0-7 dans ce derby, Heinz Ehlers serait toujours en place.

«C’est fou! Nous avons si souvent joué mieux ou au moins aussi bien que notre adversaire, mais n’avons tout simplement pas marqué, raison pour laquelle nous avons perdu»

Heinz Ehlers, coach du HC Viège

Le soulagement est visible sur son visage. Il précise que la période passée ici à Viège est probablement la plus difficile de sa carrière d’entraîneur. Ce n’est que grâce à son expérience que le Danois est resté calme. «Avant, je prenais les défaites personnellement. Maintenant, ce n’est plus le cas», confie-t-il.

Un coach renommé dans un petit club d’une région périphérique, donc. «On peut se demander ce que je fais là, en deuxième division», concède Ehlers. Avant d’enchaîner:

«Mais vous savez quoi? Je me plais beaucoup ici»

On a presque l’impression que l’ex-technicien du Lausanne HC et père de la star de NHL Nikolaj Ehlers a atteint à Viège sa destination finale. Et il ne semble avoir aucune pression par rapport au classement. Enfin presque. «Ce n’est pas tout à fait vrai. Si on termine huitièmes et qu’on doit ensuite affronter Olten en play-offs, ce serait difficile. Car les Soleurois sont vraiment forts», recadre-t-il.

Tout va donc pour le mieux à la Lonza Arena. La bonne humeur est omniprésente avant, pendant et après le match. Même si l’équipe n’a jamais dépassé les quarts de finale depuis qu’elle a remporté la Swiss League en 2014 et qu’elle est en train de vivre sa pire saison sportivement au 21e siècle.

Denmark's head coach Heinz Ehlers watches the group A match between Denmark and Germany at the ice hockey world championship in Tampere, Finland, Thursday, May 18, 2023. (AP Photo/Pavel Golovkin)

Heinz Ehlers, ici à la bande de l’équipe nationale danoise lors du Mondial 2023 en Finlande. Image: keystone

Le HC Viège, ce «pays des merveilles» du hockey suisse. Son manager Sébastien Pico est un peu une combinaison des illusionnistes David Copperfield et Uri Geller. Sauf que, contrairement à ce dernier, il ne tord pas des cuillères avec des pouvoirs magiques, mais plutôt la réalité sportive. Celle-ci est tellement enjolivée qu’elle arrive à faire croire à l’inutilité de payer un directeur sportif compétent pour épauler Sébastien Pico.

La raclette de la vérité

A peine 30 kilomètres plus à l’ouest, un autre vendeur de rêves est également à l’œuvre, en la personne de Chris McSorley. C’est vrai, le Canadien a réussi à transformer Genève-Servette, faisait d’une équipe de deuxième division le club romand le plus compétitif, tous sports confondus. Tour à tour coach, directeur sportif, CEO et même co-propriétaire, il a posé les bases du premier titre de champion des Aigles cette année. Mais sa tentative de construire une nouvelle patinoire dans la cité de Calvin a échoué. Cette enceinte, appelée à remplacer les vétustes Vernets, n’est restée qu’un mirage.

C’est désormais à Sierre qu’il fait miroiter de grands projets. A ses côtés, des investisseurs suisses sont prêts à dépenser 100 millions de francs, dont 70 environ pour l’infrastructure sportive (une arène un peu plus grande qu’à Viège). Le HC Sierre a vraiment besoin d’un nouveau temple: la patinoire de Graben est de loin la plus délabrée des deux premières divisions.

Chris McSorley, president de Sierre Valais Sport pose devant l'Hotel de Ville apres la conference de presse sur la construction d'une nouvelle patinoire "Valais Arena" au c�ur d&#0 ...

Chris McSorley veut construire une nouvelle patinoire à Sierre.Image: keystone

Comme Sébastien Pico, Chris McSorley est un maître de l’enrobage. Il nous invite au «Château de Villa» à Sierre, une adresse bien connue dans la région. On se demande pourquoi les Valaisans ne parviennent tout simplement pas à regrouper leurs forces en hockey. S’ils se mettaient ensemble, les trois clubs de Swiss League Sierre, Martigny et Viège, pourraient devenir un cador de National League. Un élément de réponse quant à cette impossibilité nous vient en tête au «Château de Villa».

L’établissement sert des raclettes provenant des différentes vallées du canton. Préparées par un véritable «sorcier culinaire», elles sont une expérience gastronomique qui vaut le détour. Elles sont aussi symboliques: comment convaincre un peuple qui produit tant de variétés de raclettes différentes de s’unifier autour d’un seul club de hockey sur glace?

De gros défis et une absurdité

Contrairement à Genève, où la nouvelle patinoire a été un flop notamment en raison de l’incertitude pesant sur l’emplacement, Sierre sait déjà où son arène serait construite: là où se trouve aujourd’hui le terrain de football, juste à côté de la gare et avec la possibilité d’un raccordement à l’autoroute.

Il n’y a qu’un seul problème: les contribuables doivent participer à hauteur de 30 millions. Mais Chris McSorley n’a aucune crainte:

«Nous sommes très confiants quant à l’obtention du feu vert»

Il voit ce projet comme une chance énorme pour toute la région. Mais que se passera-t-il si la population vote «non» à ce crédit au printemps prochain? «Ce sera l’extinction des feux», image le Canadien. Il pourrait alors se consacrer à nouveau pleinement à sa quête d’une indemnité de 7,6 millions de francs de la part de Genève-Servette, qu’il a traîné en justice. La prochaine échéance au tribunal est prévue prochainement.

Pour l’ex-homme fort des Aigles, une défaite dans les urnes à Sierre est inenvisageable. Et dès que les travaux pourront commencer, il promet que tout changera dans la cité du Soleil.

«Comme à Genève, nous allons construire ici une nouvelle équipe compétitive»

Chris McSorley

Le financement est déjà assuré. On entend que 12 millions sont prêts à être investis dans la première équipe, avec l’objectif d’une promotion en National League en 2027. Mais voilà, les temps sont différents de ce qu’ils étaient au bout du Léman lorsque Chris McSorley a commencé à construire, en 2001, une solide formation pour la National League. Désormais, le nombre d’équipes est passé de 12 à 14, de quoi renforcer la concurrence entre les clubs sur le marché des transferts.

Même si l’augmentation du nombre d’étrangers (désormais 6 par équipe) accroît l’offre de joueurs, il est aujourd’hui presque impossible de trouver sur le marché suffisamment de hockeyeurs suisses pour une équipe qui, premièrement, doit gagner la Swiss League et, deuxièmement, battre le cancre de National League en barrage. D’autant plus que le rival local, Viège, a les mêmes intentions.

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Sportivement, ça ne va pas fort à Viège actuellement.Image: www.imago-images.de

C’est tout à fait absurde que deux patinoires flambant neuves soient construites en Valais à une distance d’environ 30 kilomètres. Et d’où viendront les spectateurs si la Lonza Arena n’arrive même pas aujourd’hui à faire le plein pour un derby?

Une dernière question nous titille: parmi ces propositions, qu’est-ce qui deviendra réalité en premier dans ce Wonderland valaisan?

  • Des Jeux olympiques d’hiver
  • Sébastien Pico au Conseil d’Etat
  • Une autoroute continue jusqu’à Viège
  • Une descente de Coupe du monde de ski à Zermatt
  • Une nouvelle patinoire à Sierre
  • Un retour du HC Sierre ou du HC Viège en National League

On vous laisse réfléchir. Nous, on a mis une petite pièce sur la première réponse.

Adaptation en français: Yoann Graber

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