A Sierre (VS), on propose à la vente le féérique château Paradou construit en 1905 par le sculpteur et maître-verrier Edmond Bille. C’est là qu’a grandi la plus célèbre des écrivaines valaisannes, S. Corinna Bille. L’occasion de lui rendre enfin un hommage à sa mesure.
C’est un château de conte de fées. Il est à vendre. 3,8 millions de francs chez l’agence immobilière Barnes qui le présente sur son site comme « l’une des plus belles demeures du Valais ». Pas faux. Il fait rêver ce château construit entre les quartiers de Borzuat et Glarey, en pleine ville de Sierre, vue sur Anniviers avec ses murs à ras les vignes. A deux pas de cette propriété serpentent la rue Edmond Bille et la montée Corinna Bille. Ce n’est pas le fruit du hasard.
Reprenons l’annonce et citons-là: « construit en 1905 par le célèbre artiste Edmond Bille, artiste suisse majeur du XXe siècle, le château du Paradou est un bien unique, exceptionnel et rare à la vente. Ces dernières années, le château a subi d’importantes rénovations jusqu’à récemment, tout en gardant son esprit d’origine tel que l’atelier de l’artiste et ses salons. D’une surface totale d’environ 700m2, vous ne pourrez qu’être séduit par la beauté du lieu chargé d’histoire ».
On pourrait l’imaginer monument touristique à visiter lors d’un circuit sierrois après un tour du côté de la Fondation Rilke plus un coup d’œil sur le proche Château de Muzot, là où le poète termina ses « Elégies de Duino » entre 1921 et 1926. On pourrait le rêver en lieu de création et de médiation avec des résidences d’artistes, des rencontres et des expositions. Hélas, ce lieu privé n’est pas disponible, à moins d’être acheteur.
Le berceau familial de S. Corinna Bille
Ce lieu, c’est l’enfance de S. Corinna Bille (1912-1979). C’est le berceau familial de l’écrivaine la plus célèbre du Valais, prix Goncourt de la nouvelle en 1975, auteure d’une quarantaine de livres allant de la poésie au roman en passant par la littérature jeunesse, par ailleurs épouse de l’écrivain Maurice Chappaz (1916-2009). Un lieu qui a vu défiler au début du XXe siècle le gratin des arts suisses sous l’hospitalité festive du sculpteur Edmond Bille, un protestant neuchâtelois amoureux du Valais à qui l’on doit, notamment, les vitraux de la cathédrale de Lausanne, de l’hôtel de ville de Martigny et de la royale abbaye de Saint-Maurice.
Construit trois ans avant le proche Château Mercier dans un même style néo-gothique aux airs transalpins, le Paradou n’est pas classé au patrimoine architectural contrairement à son voisin Mercier qui fut légué au Canton et grâce à une volonté politique des autorités valaisannes deviendra, après rénovation, un pôle culturel. Cette omission concernant le Paradou est regrettable. Sa préservation relève dès lors d’un petit miracle, ses derniers propriétaires russo-azéris, ayant conservé le cachet de ce lieu pensé, conçu et décoré par Edmond Bille.
A quand les honneurs pour le couple Bille-Chappaz?
Aujourd’hui, le Valais a fait la paix avec le couple Bille-Chappaz. Les œuvres de S. Corinna Bille, dont « Théoda », « Le Sabot de Vénus » ou « Emerentia 1713 », jugées trop sensuelles ou fantasques à l’époque, sont désormais enseignées dans les écoles du canton. Récemment, la médiathèque Valais-Martigny exposait la réédition magnifiquement illustrée de ses livres jeunesse. Et en 2019, la chanteuse Aurélie Emery a adapté avec beaucoup d’inspiration ses poèmes dans « Le goût du rocher ». Et puis l’esprit frondeur et polémiste de son Maurice de mari s’est avéré précurseur à l’heure où l’on tente de corriger les méfaits du bétonnage et d’un tourisme peu regardant de la préservation des paysages et de l’environnement.
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Tout de même, les 179 boîtes d’archives du fond S. Corinna Bille se trouvent à Berne, aux archives littéraires suisses, tout comme les 269 cartons de Maurice Chappaz. Enfin, c’est à Genève, aux éditions de la Joie de lire et chez Zoé que se rééditent les œuvres de S. Corinna Bille. Le Valais rendra-t-il enfin les honneurs à ses deux plus grands écrivains avec un geste fort?
Il y a quelques mois, le canton recevait un leg exceptionnel de la part d’une résidente défunte et fortunée de Martigny, Madame Brigitte Mavromichalis (1926-2015). En plus de tableaux de maître, le Valais héritait d’une donation de 15 millions de francs. Une somme destinée au seul musée des beaux-arts et qui ne saurait être dévouée à la mémoire du couple Bille-Chappaz. Quel généreux mécène, parti politique ou homme d’Etat (puisqu’il n’y a que des hommes élus au Conseil d’Etat valaisan…) pour redonner au Château Paradou son lustre littéraire et artistique?
Thierry Sartoretti/ld
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